La biotechnologie marine : explorer les profondeurs pour la santé humaine

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Le 15 décembre 2023

Bien qu’encore méconnues, les innovations en biotechnologies marines ouvrent un nouveau champ d’applications prometteur, notamment pour les médicaments et les produits de santé développés à partir d'organismes marins. La France se situe parmi les nations les plus avancées dans ce domaine.

Le sang bleu du crabe fer à cheval permet de réaliser chaque année environ 70 millions de tests pour détecter des endotoxines potentiellement mortelles dans les médicaments et implants médicaux. C’est un exemple parmi tant d’autres des apports des océans à notre santé. Au carrefour de l'innovation et de la conservation, les biotechnologies marines attirent l'attention croissante des chercheurs et des industriels dans le monde entier. Elles représentent un champ d'application vaste et encore largement méconnu, où la biologie marine, la biotechnologie et la bioéconomie convergent pour explorer et exploiter les richesses biologiques des océans tout en respectant l’environnement.

En France, pays  qui bénéficie de l'une des plus importantes façades maritimes, cette discipline prend une dimension particulière. Elle s'inscrit dans une tradition de recherche marine de longue date, renforcée par des institutions de renom comme l'Ifremer (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer) et le CNRS. Ces biotechnologies marines, englobant tout –des micro-organismes marins aux vastes écosystèmes aquatiques – offrent un potentiel immense pour des applications variées : de la production de nouveaux médicaments et matériaux biosourcés à la préservation de la biodiversité en passant par la lutte contre le changement climatique. À l’heure actuelle, la France se situe parmi les nations les plus avancées dans ce domaine, aux côtés des États-Unis, de l'Australie, du Japon et du Canada.

 

Les algues, inspirations pour les cosmétiques… et les revêtements de coques de bateaux

L’Hexagone se distingue notamment dans les domaines de la pharmacologie marine, où des composés uniques issus de la mer sont utilisés pour développer de nouveaux médicaments. Sur les 20 000 molécules issues du milieu marin découvertes à ce jour, l’Ifremer estime qu’environ 25 % ont trouvé une utilité dans le secteur de la santé.

Mais les secteurs de la cosmétique et de la biotechnologie environnementale ne sont pas en reste. C’est par exemple le cas de Claire Hellio, qui a obtenu la médaille de l'innovation du CNRS 2023. « Une grande partie de notre travail, c’est d’aller sur le terrain et de récolter des algues. Ensuite, nous allons étudier en laboratoire leurs stratégies de défense. Nous allons isoler des molécules, caractériser la surface des algues et essayer, par bio-inspiration, de créer des matériaux innovants », explique-t-elle.

Avec son équipe du Laboratoire des sciences de l’environnement marin (Lemar), elle valorise les biomasses marines pour ensuite appliquer certaines molécules dans le secteur des cosmétiques (conservateurs et antioxydants) et certains principes dans les revêtements antifouling, qui protègent les coques des bateaux de la formation de films d’algues et de coquillages.

De très vastes domaines d’application… et un domaine encore très peu exploré

Une toute petite fraction de la biodiversité marine a été caractérisée à ce jour. On connaît environ 250 000 espèces marines, ce qui représente sans doute moins de 10 % des espèces vivant dans les océans. Il reste donc un potentiel immense pour de futures découvertes et applications. Mais le domaine livre déjà des solutions particulièrement intéressantes. Ainsi, les organismes marins, comme les éponges, les bactéries et les microalgues, possèdent un énorme potentiel à synthétiser des molécules utiles dans la santé animale, comme de nouveaux antibiotiques, des agents anticancéreux, et des médicaments contre la douleur.

La capacité d’adaptation des organismes marins à divers environnements (zones tempérées, grands fonds océaniques, régions polaires, tropicales…) est aussi une piste majeure d’innovations en biotechnologie. Les découvertes s’accélèrent depuis le début des années 2000 et l'essor de la génomique marine. Cela a été une rupture technologique clé. Des sociétés ont vu le jour et investissent en recherche et développement afin de créer de nouveaux traitements. C’est par exemple le cas de la start-up bretonne ManRos Therapeutics, basée à Roscoff. Elle imagine des médicaments contre le cancer et certaines maladies neurodégénératives comme la mucoviscidose en se basant sur la roscovitine. Cette molécule, issue d’un organisme marin, est un inhibiteur de kinases. Ces enzymes, qui jouent un rôle majeur dans la division cellulaire à l'origine des cancers, sont bloqués par cette molécule.

Citons encore l’exemple d’un ver marin qui a servi à l’élaboration d’un nouveau genre de pansements cicatrisants, une bactérie présente uniquement dans des grands fonds qui favorise la régénération de la peau et des os, des molécules d’origine marine qui entrent dans la fabrication de substituts sanguins, d’antibiotiques, d’antidouleurs… ou encore le potentiel des microalgues  pour capter le CO2 émis par l’activité de diverses industries. Reste encore un défi en Europe : faire en sorte que les biotechnologies bleues franchissent plus facilement le cap de la recherche pour se concrétiser dans des applications pratiques. Ce que d’autres pays, comme les États-Unis, la Chine et le Japon, savent très bien faire.

Florence Santrot WE DEMAIN

Quand la mer inspire l'innovation

Vaste et mystérieuse, la mer a toujours été une source d'inspiration inépuisable pour l'humanité. Au fil des siècles, l'océan a inspiré une multitude d'innovations, de découvertes et de créations. Bien souvent à l'avant-garde sur le sujet, la France porte encore aujourd'hui des projets ambitieux.

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