L'APPARITION D'UN GENRE
NOUVEAU
C’est au XVIIe siècle, en Italie et surtout aux Pays-Bas,
que se développe la peinture de marine. Filippo Angeli,
dit Napoletano, peint dans des palais italiens des scènes
de batailles et des marines à caractère décoratif.
Aux Pays-Bas, les citoyens de la république bourgeoise
et maritime font représenter fidèlement les moyens
de leur prospérité. Par la suite, les peintres de
marine évolueront entre ces deux tendances : réalisme
et ornemental.
Dans les autres pays d’Europe, la mer demeure un sujet exceptionnel.
Van Dyck (1599 – 1641) représente à l’arrière
plan de son portrait de Charles Ier à la chasse la mer
et une voile. Cette présence témoigne de l’importance
que les souverains britanniques accordent à leur puissance
navale. Au contraire, la France pâtit du peu d’intérêt
que ses rois portent à la mer. L’absolutisme interdit
toute représentation d’exploits autres que ceux de
la personne royale ; les marins français restent dans l’ombre.
Claude Gellée, dit le Lorrain ( 1600 – 1692), fait
carrière à Rome. Sa conception du paysage est opposée
à celle des néerlandais. Il recompose un port idéal
à partir d’éléments empruntés
à une réalité imparfaite. Ses compositions
triangulaires, la poésie des effets lumineux, le pouvoir
d'évocation des navires, influenceront des générations
de peintres de marines, à commencer par William Turner
(1775 – 1851).
LE VENT EN POUPE
Pendant le Siècle des Lumières, la mer intéresse
princes, savants et amateurs. Dans ce climat favorable, la peinture
de marine se développe et jouit d’un certain succès.
Si l’Académie lutte pour donner au peintre le statut
d’artiste, en province, les ateliers familiaux restent proches
de l’artisanat. Plusieurs dynasties de peintres, qui s’illustreront
dans la peinture de marine au cours du XVIIIe siècle, illustrent
ce fait : les Roux à Marseille, les Ozanne à Brest,
les Van Blarenberghe à Lille ou les Vernet en Avignon.
Fils d’artisan, formé en Provence, région
riche de traditions et où les mécènes sont
nombreux, Vernet débute sa carrière à Rome,
comme Adrien Manglard ( 1695 – 1760). Au contact du milieu
international, il reçoit diverses influences (classicisme,
réalisme nordique, vedute italiennes) à partir desquelles
il crée une manière originale, qui illustre parfaitement
les tendances de son époque. Ce siècle de savants,
observateurs précis et rigoureux, aime autant l’exactitude
que le plaisir. Vernet allie parfaitement réalisme et sens
du décor, description et poésie ; son art enchante
Diderot.
Les élèves et émules sont nombreux, mais
c’est surtout au siècle suivant que les artistes
puiseront leur inspiration dans la diversité de regards
de Vernet.
LA RESTAURATION DE
LA MARINE
La Révolution et l’Empire comptent parmi les périodes
les moins glorieuses de la marine française. La peinture
de marine est victime de ce désintérêt. Jean-François
Hüe (1751 – 1823) et Louis-Philippe Crépin (1772
– 1851) n’ont que de rares victoires à illustrer.
En revanche, au moment où la Restauration et la Monarchie
de Juillet apportent à la marine un souffle nouveau, les
Romantiques découvrent dans la mer un prétexte idéal
pour traduire les excès qu’appelle leur goût
du drame. Peinture, mais aussi roman, poésie, musique,
vont exploiter les ressources de la mer. Les sujets se diversifient
(batailles, naufrages, paysages, explorations...), à tel
point que rares sont les artistes qui ne peindront pas au moins
une marine au cours de leur carrière. Certains se font
une spécialité du genre, tels Eugène Isabey
(1804 – 1886), Charles Mozin ( 1806 – 1862), Louis
Garneray (1783 – 1867), Antoine Léon Morel-Fatio
( 1810 – 1871), Auguste Mayer (1805 – 1890), Jean-Baptiste
Durand-Brager (1814 – 1879), Tanneur, Jules Noël (1810
– 1881), ou Théodore Gudin (1802 – 1880), qui,
en 1830, sera le premier à porter le titre officiel de
peintre de la marine.
Les commandes abondent. Louis-Philippe cherche à rallier
tous les français autour des grandes étapes et des
grands hommes de leur histoire. Cette volonté entraîne
une engouement pour la peinture de bataille, y compris navale.
Cette période marque l’apogée de la marine
historique.
D'AUTRES MERS
Les thèmes apparus précédemment perdurent
pendant la seconde moitié du XIXe siècle. On assiste
toutefois à une radicalisation dans la manière de
les représenter. Il s’ensuit un divorce entre peinture
officielle et peinture non officielle.
La première représente surtout des scènes
historiques. Le genre s’essouffle et, à la fin du
siècle, prend un caractère anecdotique. La découverte
de la Bretagne et de ses légendes maritimes accentue le
goût du pittoresque, auquel se mêlent pathétique
et sentimentalisme. La manière, froidement descriptive,
annonce le réalisme socialiste. Paul Abram (1854 –
1924) et Alfred Guillou (1844 – 1926) sont les parfaits
représentants de cette tendance.
La seconde, avec en tête les Impressionnistes, explore toutes
les possibilités du paysage pur. Le regard objectif, parfois
poussé jusqu'à la naïveté (Georges Seurat),
se pose sur une mer apaisée. La Méditerranée
favorise une vision sereine et décorative (Henri-Edmond
Cross, Aristide Maillol), à laquelle, dans ses œuvres
officielles, Félix Ziem (1821 – 1911)n’est
pas insensible. Paul Gauguin (1848 – 1903) part pour les
îles du Pacifique, en quête de spiritualité.
Fait nouveau, les peintres découvrent le nautisme ; Gustave
Caillebotte (1848 – 1894), Paul Signac (1863 – 1935),
Paul-César Helleu (1857 – 1927) possèdent
leur propre bateau et naviguent.
A la fin du siècle, la marine à voile déserte
les ports. Les peintres ont alors le sentiment d’assister
à la fin d’un monde.