La citadelle de Port-Louis pendant la seconde guerre mondiale

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Le 13 mars 2023

En 2015, le musée de la Marine de Port-Louis proposait aux visiteurs l’exposition temporaire « Murailles tragiques : mourir en patriote à la citadelle de Port-Louis 1944 – 1945 ». Retour sur cette histoire avec Audrey Grandener

La situation à Lorient et son territoire

Grande agglomération industrielle de Bretagne, Lorient et sa rade deviennent le 21 juin 1940 une prise de guerre particulièrement bien adaptée à la mise en œuvre de la politique sous-marine du IIIe Reich. Aux mains de l’occupant, la région subit une expropriation généralisée :

  • Transfert vers l’Allemagne des prisonniers de guerre français, réquisition des installations militaires, des ressources économiques, du logement et des espaces publics, privés et civils, à partir de 1940,
  • Au même moment, remodelage du pays de Lorient : mise en place de zones interdites, des chantiers de la base de sous-marins, de Lann-Bihoué, de la défense anti-aérienne et du mur de l’Atlantique, et de lieux de répression sur l’Ile de Groix et Port-Louis, arrivée de milliers de travailleurs et implantation des forces de la Wehrmacht, de la Kriegsmarine et de l’organisation Todt,
  • Bombardements et opérations de guerre secrète britanniques dès septembre 1940,
  • Répression contre la population dès 1941, envois forcés de travailleurs en Allemagne à partir d’octobre 1942,
  • Destruction massive de la ville de Lorient par les bombardements aériens alliés, de janvier à mai 1943, et évacuation des réfugiés dans les campagnes du Morbihan,
  • Dévastation de Quéven, Pont-Scorff, Caudan, Hennebont, lors de la formation de la poche de Lorient, début août 1944, pillages et tirs d’artillerie pendant la poche, de septembre 1944 au 8 mai 1945.

Enjeu stratégique mondial, puis champ de ruines délaissé, Lorient n’est libérée que le 10 mai 1945, après la capitulation générale du IIIe Reich.

La situation à Port-Louis

A Port-Louis, l’activité économique tourne au ralenti.  Les habitants sont soumis au rationnement et, en 1943, la criée de Locmalo et plus de 40 maisons sont détruites par les bombardements alliés. La ville est évacuée entre 1942 et 1943. La flotte de thoniers est immobilisée dans l’anse du Driasker. A la fin du conflit, les navires les plus endommagés seront abandonnés dans ce qui deviendra le cimetière à bateaux. Le sable provenant de Plouhinec et de Gâvres est exploité en grandes quantités pour servir à la construction de la base sous-marine de Keroman. Il est acheminé par une ligne de chemin de fer jusqu’au port de la Pointe et l’aménagement de deux nouveaux quais permet de recevoir les barges qui transportent le sable de l’autre côté de la baie.

La citadelle occupée

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La vigie construite par les Allemands sur le Grand bastion pour surveiller le chenal : sur cette photographie réalisée en 1954, les échauguettes n’ont pas encore été reconstruites aux angles des bastions. © MINDEF - Service historique de la Défense, Lorient (inv. SHDML ML TM 108 vigie 0001)

Au début du conflit, la citadelle de Port-Louis est le poste de commandement du front de mer de Lorient. Protégée par les feux croisés des batteries de Gâvres au sud et de Locqueltas au nord, elle est occupée par l’infanterie allemande. Plusieurs aménagements sont réalisés : bunker dans le rempart, batteries sur les bastions, créneaux de tir percés dans la muraille pour couvrir tous les accès de l’édifice, sémaphore édifié sur le Grand bastion pour contrôler la navigation du chenal. Les échauguettes situées aux angles de bastions sont détruites à cette époque pour améliorer l’espace de tir.

A l’extérieur de la citadelle, pour surveiller l’embouchure, un canon de 75 mm est placé dans la casemate du bastion Saint-Nicolas et une batterie est aménagée au point le plus étroit du chenal, sur la plage de la Nourriguel à Larmor-Plage, face à la citadelle. Il ne reste quasiment rien des aménagements de cette époque dans la citadelle, à l’exception du bunker placé sous le bastion des Chambres. Les échauguettes ont été reconstruites dans les années 1950 et le sémaphore modernisé dans les années 1980. En mai 1944, le général Düvert, responsable d’une répression très dure contre les maquisards du secteur de Lorient, ordonne l’installation d’une prison à l’intérieur de la citadelle. C’est ici que 69 résistants sont emprisonnés avant d’être exécutés.

Les 69 fusillés de Port-Louis

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La citadelle de Port-Louis et le stand de tir où ont été fusillés les Résistants. A la fin des années 1940. © MINDEF - Service historique de la Défense, Lorient (inv. SHDML ML citadelle Port-Louis)

De février à juillet 1944, de nombreux résistants sont arrêtés les armes à la main au cours d’ « actions terroristes » ou sur dénonciation. Quelques-uns sont emmenés directement à la citadelle et enfermés dans des cellules situées dans le rempart, mais la majorité est d’abord torturée dans les prisons de Locminé et de Penthièvre avant d’être envoyée à Port-Louis. Certains vont ensuite partir vers la prison de Vannes puis vers l’Allemagne. Le nombre de résistants ayant transité par la citadelle est inconnu. Soixante-neuf d’entre eux ont été fusillés avant l’été 1944, près de trois fosses situées à l’extérieur de la citadelle, à l’emplacement d’un ancien stand de tir de l’armée. Ils étaient originaires du Morbihan, du Finistère et des Côtes du Nord, et pour la plupart, avaient entre 18 et 25 ans. Le plus âgé, Émile Mazé, avait 40 ans. Professeur de mathématiques à Lorient, il était à la tête d’un groupe de résistants. Il se serait fait arrêter dans l’espoir de négocier la libération de jeunes détenus, sans succès. Les exécutions avaient lieu vers 5 heures du matin, sans l’assistance d’un aumônier. Les prisonniers avaient les yeux bandés, leurs mains et leurs jambes étaient liées par du fil de fer.  Ils étaient abattus au bord des fosses et certains recevaient le coup de grâce d’une rafale de mitraillette.

La découverte du charnier

La découverte des fosses contenant les cadavres a lieu le 18 mai 1945, deux jours après celle du charnier du fort de Penthièvre où gisaient les corps de 50 résistants. En août 1944, les Allemands avaient dynamité le stand de tir de Port-Louis pour cacher ces exécutions. Les 69 victimes de Port-Louis sont exhumées le 23 mai 1945 par des prisonniers allemands employés à fouiller les décombres.  Les corps « gisent superposés dans un emmêlement inimaginable ».  Ils sont examinés sur place par des policiers, un médecin légiste et les familles qui identifient toutes les victimes à l’exception de six d’entre-elles. Ces six corps seront inhumés au Mémorial, sur le lieu de leur exécution. Après plusieurs années de recherche et d’enquête, 3 des 6 inconnus ont retrouvé leur identité, annonce officielle faite le 23 mai 2020, jour de commémoration. Le même jour, on oblige les officiers allemands à défiler devant les fosses et les cadavres. A l’emplacement du charnier, un mémorial a été érigé en 1960. Une cérémonie du souvenir a lieu chaque année le 23 mai.

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