Les Escales

Elles abritent les objets phares du musée et les trésors de la collection

Construire et instruire : les modèles

En 1748, Henri-Louis Duhamel du Monceau offre au roi Louis XV son exceptionnelle collection de modèles de navires. Ce don est à l’origine du musée national de la Marine. Pour rendre compte de la diversité de la collection actuelle du musée, les modèles sont regroupés de manière thématique suivant leur fonction, comme objets techniques, socio-culturels, scientifiques et ludiques.

Des objets d’histoire technique : de la construction navale à l’apprentissage des officiers

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© Musée national de la Marine / Odilon Corby

Les modèles ont eu différentes fonctions techniques à travers l’histoire. Certains sont directement liés au processus de construction d’un bateau, comme les demi-coques, utilisées dès le début du XVIIIème siècle par les charpentiers de marine. D’autres conservent la mémoire des techniques anciennes d’architecture navale, comme les maquettes sur charpente qui représentent avec exactitude la structure interne d’un navire. Les modèles d’instruction de très grande taille revêtent quant à eux un aspect plus pédagogique et sont destinés à la formation des constructeurs ou des futurs officiers de la Marine. Tous représentent de nos jours des sources exceptionnelles pour les historiens de la construction navale. Le modèle du Royal Louis a été restauré grâce au soutien de l'Association des Amis du musée national de la Marine (AAMM), mécène associé de la rénovation.

Des objets ludiques

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© Musée national de la Marine / O.Corby

Depuis des siècles, des modèles de bateaux ont accompagné les jeux aquatiques des enfants. L’essor de l’industrie mécanique au XIXème siècle permet un début de production en série de bateaux-jouets variés, vendus dans les grands magasins. Paquebots, cuirassés, barques ou voiliers se côtoient alors sur les bassins des jardins publics. Équipés d’un mode de propulsion mécanique, à vapeur ou électrique, ils n’ont cessé d’être réinventés jusqu’à aujourd’hui, invitant toujours au rêve et à l’imaginaire.

Des objets au service de la science : de l’archéologie à l’expérimentation

Modèle archéologique Agrandir l'image : Modèle archéologique
©Clément Dorval - Ville de Paris

Les modèles sont parfois mis au service de la science en tant que source documentaire ou instrument de recherche. Ceux découverts lors de fouilles archéologiques servent à l’étude des architectures navales et des sociétés maritimes anciennes. Certains sont fabriqués pour tester des hypothèses de recherche, comme la disposition des rameurs à bord des galères antiques. Cette méthode d’étude de l’histoire des techniques est toujours utilisée en archéologie. D’autres enfin peuvent conserver la trace de pratiques maritimes extra-européennes en voie de disparition. C’est le cas de la collection unique au monde constituée par l’amiral Pâris à la fin du XIXème siècle à partir de ses enquêtes ethnographiques.

Des objets d’histoire socio-culturelle : de la glorification impériale à l’artisanat des marins

Modèle de la collection Trianon Agrandir l'image : Modèle de la collection Trianon
Modèle de la collection Trianon © Musée national de la Marine / Odilon Corby

Outre leur intérêt technique, les modèles peuvent aussi témoigner de pratiques socio-culturelles très diverses à travers le monde et à travers l’histoire. Certains ont un rôle symbolique et politique, comme la collection Trianon voulue par Napoléon. D’autres, comme les modèles de ponton, réalisés sous l’Empire par des marins français à bord des prisons flottantes anglaises, traduisent le poids de l’enfermement et le rêve de liberté. Ils peuvent aussi être représentatifs d’un artisanat miniaturiste développé par les marins embarqués, comme les bateaux en bouteille. La fonction de marqueurs culturels est tout aussi présente dans les modèles en matériaux originaux (ivoire, clous de girofle, etc.).

Se repérer en mer : les arts de la navigation

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Escale se repérer en mer © Musée national de la Marine / Nicolas Krief

Lors de cette deuxième escale, le visiteur découvre l’art de la navigation et du repérage en mer, un art qui se transmet depuis l’aube de l’humanité. Le marin observe le ciel, la mer et les côtes pour déjouer les dangers et arriver à bon port. Pour trouver sa route, il utilisait autrefois une carte, un crayon, une règle, un compas, aujourd’hui l’écran d’un GPS portable. Ces instruments sont des objets techniques et scientifiques exceptionnels dont le soin et la précision de la facture témoignent d'un savoir-faire d'excellence.

Des balises pour signaler les dangers

Si les phares aident les navires à trouver leur route et à atterrir après une longue traversée, la navigation côtière mobilise un ensemble de marques, diurnes et nocturnes, connues sous le nom de «balisage».

Perches en bois, bouées métalliques et tourelles maçonnées permettent d’éviter les pièges de la côte, par exemple un récif ou un banc de sable. La balise signale la position du danger et elle est identifiable par sa forme, cône ou cylindre, et par sa couleur, jaune et noir dans le système cardinal (points cardinaux) ou rouge et vert dans le système latéral (bâbord et tribord). Il existe ainsi un véritable code de la mer dont l’apprentissage est obligatoire pour naviguer en toute sécurité.

Des arts pluriels : savoirs traditionnels et instruments de navigation

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© Musée national de la Marine / Nicolas Krief

L’histoire des techniques et l’histoire maritime telle que nous la connaissons en Europe ont été influencées par une vision hiérarchisée des civilisations. Le musée national de la Marine conserve majoritairement des objets qui témoignent des pratiques occidentales de navigation, dont l’essor correspond à la colonisation du monde par les océans à partir du XVème siècle. Les cultures maritimes arabes et chinoises étaient précédemment principalement représentées par des objets hautement symboliques – l’astrolabe, la boussole – dont on racontait la diffusion vers l’Europe. Quant aux savoirs traditionnels des navigateurs océaniens, capables de parcourir des distances considérables sans aucun instrument, il a fallu attendre les années 1970 pour qu’ils soient étudiés et reconnus.

La science au service de la navigation : une quête de l’exactitude

Afin de connaître sa position en mer, le marin cherche à déterminer sa latitude et sa longitude, qu’il peut ensuite reporter sur une carte. Si la latitude peut être déterminée simplement par la mesure de la hauteur du soleil, le calcul de la longitude fut longtemps très approximatif. Il faut attendre le XVIIIème siècle et le développement de chronomètres de marine fiables pour que cette quête d’exactitude prenne fin : l’heure qu’il est nous dit où nous sommes.

Des phares pour éclairer les côtes

Gros plan sur la lentille de phare Agrandir l'image : Gros plan sur la lentille de phare
© Musée national de la Marine / Nicolas Krief

La diffusion de cartes marines précises précède l’apparition massive des phares au XIXème siècle. Réduit auparavant à quelques rares « tours à feux», comme au Stiff (Ouessant) ou aux Baleines (île de Ré), l’éclairage des côtes devient un véritable système où chaque phare doit émettre un signal identifiable par le marin. Savants, ingénieurs et hydrographes unissent leurs efforts pour promouvoir une technique innovante, portée par l’ingénieur Augustin Fresnel (1788-1827): un appareil à lentilles dont les faisceaux balaient la mer grâce à un mécanisme d’horlogerie. Testée à Paris, puis au sommet de la majestueuse tour de Cordouan en Gironde, la lentille de Fresnel s’impose sur toutes les mers du globe.

Représenter le pouvoir : la sculpture navale

Vue sur la figure de proue du Iena Agrandir l'image : Vue sur la figure de proue du Iena
© Musée national de la Marine / Nicolas Krief

La sculpture navale a eu de multiples rôles : élément d’identification, figure protectrice, ou encore support d’une ambition politique. Les formes qu’elle a pu prendre en témoignent. Aujourd’hui exposées sans le navire qu’elles ornaient et isolées du programme décoratif complexe dont elles faisaient parfois partie, ces pièces permettent néanmoins de se représenter l’allure des vaisseaux du passé.

La Réale : la plus belle des galères royales

Vue sur la Réale Agrandir l'image : Vue sur la Réale
© Musée national de la Marine / Nicolas Krief

Cet ensemble de sculptures, miraculeusement préservé des outrages de la mer et du temps, est l’une des pièces phares du musée. Grâce à un ingénieux parti pris scénographique, le visiteur admire cette œuvre exceptionnelle sous tous ses angles et prend la mesure des dimensions du navire qu’elle ornait. À l’époque de Louis XIV, on appelle « Réale » la plus importante des galères. Celle-ci est une embarcation de prestige, ornée de décors en relief dorés à la feuille. Les sculptures ont été réemployées d’une galère à l’autre avec d’autant plus de facilité qu’elles ont été construites dans le même arsenal, à Marseille. Une partie du décor présenté ici a ainsi orné à la fois la Réale de 1688 et celle de 1694. Ce décor évoque la course du soleil, personnifié par Apollon, au fil des saisons. Le dieu règne sur le monde, entouré des divinités de l’Olympe. L’ensemble est une allégorie à la gloire de Louis XIV, le Roi-Soleil, ce que souligne la présence des fleurs de lys.

Décoration navale et symbolique politique : de l’allégorie antique à la figure du grand homme

L’ornementation des navires remonte à l’Antiquité et ne s’est jamais limitée à un simple but décoratif. Dès l’époque moderne et jusqu’à sa disparition au XIXème siècle, elle est le vecteur d’un imaginaire politique. Sous Louis XIV, elle est mise au service de la monarchie. Avec la Révolution française, les vaisseaux révèlent une nouvelle identité républicaine ; le registre allégorique est alors renouvelé. L’Empire se réapproprie lui aussi des symboles antiques, comme l’aigle. La Restauration puis le Second Empire se tournent vers de grandes figures historiques (Henri IV, Charlemagne…), soucieux d’asseoir leur légitimité dans une époque marquée par les ruptures politiques. Les figures de proue exposées ici témoignent de ces évolutions.

De l’atelier au navire : conception et création des ornements

Entre la commande du décor et son installation sur le navire, le processus de création des ornements sculptés mobilise plusieurs acteurs et comporte différentes étapes : le dessin préparatoire, le projet en cire en terre crue, et enfin la sculpture sur bois peinte. Les deux premières phases ont plusieurs objectifs : arrêter l’iconographie en la faisant valider par les représentants du pouvoir, donner des consignes précises aux sculpteurs qui n’ont pas toujours conçu le dessin et faciliter l’exécution de ces figures aux dimensions souvent colossales. Cette procédure garantit un résultat conforme à la commande pour ces ornements qui ont une portée symbolique plus forte que ceux qui ornent les espaces intérieurs.

Peindre pour le roi : Les Vues des ports de France de Vernet

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Vue des ports de France depuis l'oculus © Musée national de la Marine / Nicolas Krief

La série des Vues des ports de France de Joseph Vernet (1714-1789) constitue un ensemble patrimonial exceptionnel à plusieurs titres. Ces œuvres artistiques remarquables sont d’une grande richesse documentaire sur une époque révolue : la vie palpable qui se dégage des scènes maritimes et portuaires témoigne de l’activité foisonnante du littoral de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Par ailleurs, la perfection esthétique se met ici au service de la politique et de l’instruction royale. En effet, ces peintures sont le fruit de la plus importante commande du règne de Louis XV.

En 1753, le marquis de Marigny commande à Joseph Vernet une série de tableaux grand format exaltant la magnificence des principaux ports de France. Un itinéraire très précis est établi par la Direction des Bâtiments qui prévoit une vingtaine de toiles, les ports les plus importants comme Marseille, Toulon ou Bayonne devant comporter plusieurs tableaux.

Les premiers plans doivent montrer dans le détail les activités propres à chaque région. Joseph Vernet arrive à Marseille en octobre 1753 puis se déplace dans neuf autres ports : Bandol, Toulon, Antibes, Sète, Bordeaux, Bayonne, La Rochelle, Rochefort et Dieppe.

Dix ans seront nécessaires pour réaliser quinze peintures à l’huile de 165 cm de haut et 263 cm de large, qui seront présentées au Salon de peinture et de sculpture entre 1755 et 1765. La commande inachevée est complétée par un élève de Vernet, Jean-François Hue. Le musée national de la Marine conserve en dépôt du musée du Louvre treize de ces quinze toiles.

Autour des tableaux de Vernet et de son successeur Hue, des portraits et gravures apportent un éclairage renouvelé sur le contexte de création et la postérité de ce fleuron du patrimoine maritime français.

Les Traversées

Trois thématiques pour découvrir les enjeux maritimes, d'hier, d'aujourd'hui et de demain