Figure de proue de la frégate Pandore
Brest
Sculpture en bois peint
Atelier de sculpture des arsenaux (sculpteur)
1829, Brest
Ce buste de la déesse grecque Pandore ornait la proue de la frégate du même nom. En effet, depuis Colbert, les navires de guerre portent souvent des noms issus de la mythologie. Si les vaisseaux reçoivent des noms guerriers comme Redoutable, Vengeur ou Foudroyant, les frégates, plus fines, rapides et élégantes, sont alors assimilées à des femmes et baptisées Hermione, Astrée, Flore, Néréide...
La déesse pandore
Dans la mythologie grecque, Pandore est la première femme créée par Zeus. Chaque dieu y apporte sa touche personnelle : Athéna lui donne l’habileté, Aphrodite la beauté, Apollon le talent musical, Hermès l’art du mensonge et la curiosité, Héra la jalousie. Offerte en mariage à Epiméthée, elle rejoint son époux emportant avec elle une boite qu’elle ne devait en aucun cas ouvrir, car contenant tous les maux de l’humanité. On sait ce qu’il advint…
Cette figure de proue montre logiquement la déesse avec sa boite. La Pandore est une frégate mise sur cale à Brest en 1829, lancée en 1835. La Royal Navy a également comporté une frégate du même nom, l’HMS Pandora, connue pour avoir été envoyée à la recherche de l’HMS Bounty à la suite de la célèbre mutinerie.
La décoration navale
L’âge d’or de la décoration navale en France se situe à la fin du X VII siècle, sous le règne de Louis XIV. Cet art était destiné à faire « esclatter sur mer la magnificence de Sa Majesté » et c’est pourquoi l’ornementation des navires de guerre fut essentiellement confiée à des artistes de cour, d’abord Charles Le Brun (1619-1683), premier peintre du roi, puis Jean Bérain (1640-1711), dessinateur de la chambre du roi, qui conçut les ornements de près d’une centaine de navires de 1685 à 1711. Les dessins proposés servent une idéologie politique. Ils offrent un programme narratif, le plus souvent d’inspiration mythologique, toujours lié au nom du bâtiment et qui s’étend sur toute la surface à sculpter, c’est-à-dire à la poupe, aux bouteilles et à la proue.
Sous le règne de Louis XV, la décoration navale est totalement décentralisée dans les arsenaux de Brest, Rochefort ou Toulon. Les maitres sculpteurs des arsenaux deviennent à leur tour des concepteurs, et non plus seulement de simples exécutants. Dans les années 1780, la standardisation est de mise, tant pour l’architecture du navire que pour ses décors dont l’utilité ne cesse d’être contestée. Dès lors, perdant sa vitalité, la sculpture navale va devenir un art purement ornemental. Elle ne s’éteindra tout à fait qu’au milieu du XIX siècle, avec la disparition des derniers navires de guerre à voile et, par conséquent, celle de tous les ateliers de sculpture des arsenaux.
L’Atelier de sculpture navale de Brest
L’atelier de sculpture, situé sur la rive droite de la Penfeld, du côté de Recouvrance, sous le plateau des Capucins, fut dirigé par des maitres sculpteurs titulaires de leur charge, ayant le titre de « premier maitre sculpteur » : Jean Regnault (1689-1697), Nicolas Renard (1697-1717), François-Charles Caffieri (1717-1729), Charles-Philippe Caffieri (1729-1766), Pierre Lubet (1766-1797), Yves-Etienne Collet (1797-1840). Quand ils ne travaillent pas pour l’arsenal, les sculpteurs et doreurs répondent aux commandes des paroisses et décorent les églises des environs, en particulier leurs retables. Le port de Brest devient ainsi un foyer de diffusion de l’art baroque en Bretagne.
Yves-Étienne Collet fut le dernier maitre sculpteur responsable de l’atelier de sculpture de l’arsenal de Brest, charge qu’il occupa pendant plus de quarante ans. Il était entré à l’arsenal à l’âge de 9 ans, sous la protection de son père, le sculpteur figuriste Jacques-Étienne Collet (1721-1808). En 1777, il quitte le milieu brestois et son père pour suivre les cours de l’Académie royale de Sculpture à Paris. Il met cette expérience au service de son talent, et le Conseil de Marine, sept ans plus tard, demande son retour à l’arsenal de Brest, où il terminera sa carrière à 79 ans.