Jacques Rougerie : « Habiter la mer »
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Le 06 février 2023
A l'occasion de la Journée mondiale de l'océan 2021, Jacques Rougerie, Architecte, océanographe, membre de l’institut nous a fait l’honneur de répondre à quelques questions
Jacques Rougerie
Architecte océanographe Jacques Rougerie est spécialiste de l’habitat sous-marin.
Il passe les onze premières années de sa vie en Côte d’Ivoire où il côtoie Théodore Monod. Architecte diplômé en 1972, il se consacre à des projets liés au monde marin, porté par la philosophie qui l’anime depuis toujours : habiter la mer. Il fonde ses recherches et ses réalisations sur une architecture biomimétique, bio-inspirée. Il réalise des équipements emblématiques et construit des habitats, des laboratoires sous- marins, des villages flottants et des vaisseaux d’exploration scientifique comme le Sea Orbiter. En 2008 il est élu membre de la section Architecture à l’Académie des Beaux-Arts de Paris. Il crée en 2009 sous l’égide de l’Institut de France, la Fondation Jacques Rougerie pour transmettre à la jeune génération la passion de bâtir et la sensibiliser aux enjeux de la préservation de l’environnement.
Comment vous est venue cette passion pour l’océan ?
Vous êtes fasciné par l’océan depuis toujours et êtes précurseur dans la conception d’habitats sous-marin.
Ma passion pour l’océan m’est venue des plages lointaines d’Afrique où j’ai passé mon enfance, bercé par le vent et la houle du large. Dès mon plus jeune âge, l’océan m’a empreint de son chant des vagues pour mieux donner corps à mes rêves et passions. Notre planète bleue est une bulle fragile fascinante marquée par la splendeur et la noblesse des océans.
Pensez-vous que nous arriverons à véritablement habiter l’océan dans le futur tout en le préservant ?
J’ai eu la chance et le bonheur de vivre dans des habitats sous-marins à plusieurs reprises. Vous êtes en osmose avec ce monde mystérieux qui ouvre un imaginaire prometteur si vous adoptez la philosophie des êtres du monde sous-marin que j’appelle les « Mériens ». Il ne faut jamais oublier que la mer est une école d’humilité.
Si nous voulons aller plus loin et réussir à habiter véritablement sur ou dans l’océan, il faut faire confiance au génie humain et à son extraordinaire pouvoir de création et d’adaptation. Mais avant tout, il faut respecter la beauté de ces équilibres fragiles en agissant de manière responsable afin d’assurer à l’océan un futur résilient harmonieux et durable pour le bien commun de l’humanité.
Faire naitre des vocations, encourager l’audace, sont les principes de votre fondation, quels sont vos conseils à la génération future ?
Je suis très confiant dans la génération future. Elle doit impérativement oser ! Cette jeunesse multiculturelle le fait déjà avec un formidable enthousiasme. Elle porte en elle les gènes du rêve. Elle a conscience de l’importance du génie de la nature et doit s’appuyer sur le biomimétisme pour s’en inspirer. Comme l’affirmait Léonard De Vinci : « Allez prendre vos leçons dans la nature, c’est là qu’est notre futur ! ». Les jeunes doivent conserver ce lien sacré qui nous unit à la nature dans un rapport la plaçant au cœur des futurs modèles de cadres de vie.
J’invite aussi ces jeunes à toujours privilégier les sciences, les arts, les technologies et la nature dans une transversalité des disciplines pour imaginer et créer de nouveaux modèles de société.
Pour en savoir plus :
« Je souhaite à l’océan de recouvrer rapidement son équilibre grâce à l’engagement de toutes et de tous quelle que soit notre capacité individuelle à agir. Que la prise de conscience de la communauté internationale combinée à l’action de chaque citoyen au niveau mondial génère le cercle vertueux dont l’océan a tant besoin. Car c’est de l’océan que naîtra le destin des civilisations à venir. »