Histoire de l’Ancienne école de médecine navale

Fondée en 1722 c'est la première école de chirurgie navale au monde. L’école de Rochefort invente une pédagogie originale et pragmatique pour former les chirurgiens embarqués à bord des navires de guerre

La naissance de l’école

Agrandir l'image : vue_de_lhopital.jpg
Vue de l'hôpital de Rochefort, prise du côté du cours d'Ablois © Musée national de la Marine/P.Dantec

L’histoire de la naissance de l’Ecole de médecine navale est indissociable de celle de l’arsenal et du contexte maritime au XVIIIe siècle.

Première institution du genre au monde, elle née en 1722 à Rochefort, ville militaire nouvelle, située en plein cœur des marais. Cette situation géographique, peu hospitalière et propice aux épidémies, associée à l’explosion démographique générée par l’implantation de l’arsenal royal en 1666, imposent comme une nécessité la création d’une institution formant des chirurgiens pouvant soigner en mer, comme à terre.

Parallèlement, le XVIIIe siècle voit émerger de nouvelles routes maritimes qui conduisent à un allongement des campagnes. La vie à bord, déjà terrible, empire à cause de nouvelles maladies générées par les carences alimentaires, la promiscuité, les travaux harassants ou encore par les nouveaux climats rencontrés au fil de la navigation. Les pertes sont immenses et la Marine mesure à quel point la santé de ses équipages est un enjeu de premier plan pour garantir la réussite de ses opérations en mer.

Cette concordance de temps et de lieu, concentre naturellement les énergies à Rochefort.

Et c’est ainsi, que le 05 février 1722 se tient, dans la cour de l’hôpital Charente, la première conférence inaugurale de l’Ecole de chirurgie et d’anatomie. L’orateur n’est autre que le 1er médecin du Port, Jean Cochon-Dupuy. Convaincu depuis plusieurs années de l’importance d’une formation officielle pour les chirurgiens embarqués, c’est lui qui est arrivé à convaincre Pontchartrain, Secrétaire d’Etat à la Marine.

À partir de cette date, l’Ecole ne cesse de se développer. Elle servira d’abord de modèle à celles de Toulon (1725) et de Brest (1731). Puis deviendra, au XIXe siècle, un point névralgique et connecté, rayonnant au niveau national et européen par ses découvertes scientifiques et ses innovations médicales.

Grâce à une pédagogie innovante, qui base ses enseignements sur la théorie et surtout la pratique, des générations d’officiers de santé aux multiples compétences seront formés. Hommes de sciences, ils explorent le corps humain et le monde qui les entoure avec la même soif de comprendre, classer, décrire, organiser. À travers leurs voyages et navigations, ils soignent, collectent et compilent des connaissances qui forment encore aujourd’hui le socle des collections de la bibliothèque et du musée de l’Ancienne école de médecine navale.

La bibliothèque

avec vue sur un ouvrage Agrandir l'image : avec vue sur un ouvrage
Bibliothèque © Musée national de la Marine

Dès l’origine de l’institution, son fondateur, le 1er médecin du Port Jean Cochon-Dupuy, réfléchit son établissement comme une structure autonome et ouverte. De ce fait, les frais d’inscriptions sont calculés en fonction des capacités financières des élèves et familles. Et une partie de ces sommes collectées sert à l’achat d’ouvrages qui composent peu à peu le fond de la bibliothèque d’étude. De taille modeste au début, une centaine d’ouvrages très spécifiques tout au plus, elle s’enrichit au fil des achats et des dons, les directeurs successifs offrant parfois leur propre bibliothèque à l’institution. On retient par exemple, le legs du second médecin Gérard-Marie Cuvillier, réalisé en 1780, qui vient consolider le socle initial de cette bibliothèque.

La période révolutionnaire comptera également dans l’accroissement et l’enrichissement des collections. En effet, les confiscations, principalement effectuées dans les bibliothèques des communautés religieuses locales, vont venir irriguer les institutions qui occupent le haut du pavé à Rochefort. Ce sont naturellement les écoles de formation des officiers qui sont les destinataires prioritaires de ces fonds, qu’il s’agisse de l’École des Gardes de la Marine ou de l’École d’anatomie et de chirurgie.

Cette dernière déménage d’ailleurs juste avant les troubles révolutionnaires pour s’installer en 1788 au sein du tout nouvel hôpital de la Marine. Construit par Pierre Toufaire, ingénieur, il présente un plan architectural très novateur dont l’originalité consiste à s’appuyer sur un réseau de pavillons distincts. L’École de médecine navale prend ses quartiers dans le pavillon A de l’hôpital, bâtiment qu’elle occupe toujours aujourd’hui.

Initialement, les ouvrages étaient conservés au rez-de-chaussée de l’institution, mais plus la collection augmente, plus il devient nécessaire de lui octroyer des espaces importants. Le 12 novembre 1800, date à laquelle la bibliothèque est officiellement ouverte et reconnue comme un élément constitutif et à part entière de l’École, le fonds présente déjà 12 000 volumes. C’est la plus importante et la plus complète bibliothèque de la Marine en province. 39 ans plus tard, la bibliothèque s’installe au premier étage de l’école, dans le vaste et majestueux espace qu’on lui connait aujourd’hui. La salle occupe toute la longueur du bâtiment, son apparat évoquant les grandes bibliothèques universitaires de l’époque. Les ouvrages sont classés par disciplines que l’on découvre dans chaque travée au fil de la déambulation. Mais au-delà de la praticité de cette organisation, c’est toute une époque que l’on peut percevoir, qui cherche à comprendre et donc ranger le monde. Le programme d’enseignements dispensé aux élèves s’incarne également à travers cette collection : les cours d’anatomie, chirurgie, botanique, zoologie ont chacun leurs travées. Tout comme les enseignements de philosophie, théologie, littérature, histoire, géographie qui viennent compléter et élargir le socle des connaissances encyclopédiques des jeunes apprenants.

Une collection rare et précieuse

Agrandir l'image : collection_aemn.jpg
Deuxième étage collection médicale © Musée national de la Marine / Romain Osi

En parallèle des cours et en complément du fonds de la bibliothèque d’étude, des démonstrations, des travaux de dissection et des leçons d’anatomie et de chirurgie sont dispensés. La salle des Actes, située au rez-de-chaussée de l’école en est d’ailleurs l’épicentre. Un jardin botanique est également créé dès 1741, dont l’objectif sous-jacent est toujours le même : former l’œil des élèves à reconnaitre les plantes, les cultiver, les collecter et les transformer en remèdes. Enfin, l’école se situe au sein de l’hôpital de la Marine. Cette proximité permet d’intégrer aisément, dans le cursus, des travaux pratiques, directement au chevet des malades. Les officiers ainsi formés et diplômés, sont prêts à être confrontés au réel dès leurs premières affectations.

Dans un souci de pérennité et dans une logique de normalisation du discours, les spécimens issus des démonstrations, dissections ou cours d’anatomie sont pour certains conservés. Il en est de même pour les plantes et les graines. Ainsi naissent les premières briques de cette collection qui prendra bientôt le nom de musée. En effet, les pièces s’accumulant rapidement, la question de leur présentation s’impose. Certains espaces de l’école se verront temporairement affectés la fonction de salle de présentation de certaines parties de la collection jusqu’à ce que la direction de l’établissement décide de toutes les rassembler au même endroit privilégiant une certaine unité muséographique. Ainsi, le dernier étage de l’école de médecine reçoit, entre 1861 et 1864, la quasi-totalité de la collection d’objets et de spécimens qui s’organise, par travées thématiques, le long des murs et dans les vitrines centrales.

Témoignant par leur qualité, leur nombre, leur ancienneté et leur complétude de l’évolution des techniques et des pensées scientifiques entre le début du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle, ces collections rares et précieuses, forment un ensemble exceptionnel.

Il l’est d’autant plus qu’il est aujourd’hui accessible à tous. En effet, l’Ancienne école de médecine navale est, depuis 1986, rattachée au musée national de la Marine, qui l’ouvre aux publics et gère le fonds de la bibliothèque et les collections appartenant au Service de santé des armées.

Dernier lieu de mémoire conservé intact, célébrant cette aventure scientifique et humaine, il accueille les amateurs et curieux tous les jours de l’année et propose des visites guidées de l’ensemble de ses espaces. Tous les ouvrages de la bibliothèque sont également consultables sur simple rendez-vous et accessibles sur la base patrimoine du Catalogue Collectif de France.

Lieu et parcours

Situé au cœur de l’hôpital de la Marine, l’Ancienne école de médecine navale est un lieu unique au monde. Autrefois établissement d’enseignement dédié à la pratique de la médecine et de la chirurgie embarquées à bord des navires du Roi, il se transforme en musée à la fin des années 1990. Depuis, les visiteurs découvrent ses salles d’enseignement, sa bibliothèque scientifique conservant 25 000 volumes et son musée regroupant des collections anatomiques, zoologiques, botaniques et ethnographiques.

Histoire de l'hôtel de Cheusses

L’hôtel de Cheusses est le plus ancien bâtiment civil de la ville. Il est présent à toutes les grandes étapes de Rochefort : logis seigneurial, commandement de la Marine, Commissariat de la Marine, Musée naval.