À quoi s'attendre en 2050 pour le transport maritime mondial ?

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Le 13 avril 2023

Environ 90 % de ce que nous consommons passe par la mer en empruntant des routes balisées. Que vont devenir ces flux maritimes dans les décennies à venir ? Changement climatique et géopolitique vont-ils bouleverser ces flux ? Explications.

Si on devait grandement simplifier les échanges maritimes actuels, on pourrait les résumer à trois grands blocs : Chine, Europe et États-Unis. Les flux s'organisent en grande partie entre Asie et Amérique, Asie et Union européenne et, dans une moindre mesure, Europe-États-Unis. En croissance constante, le transport maritime représente 90 % du commerce mondial en volumes transporté et 80 % en valeur, selon l'Institut français des relations internationales (Ifri). Que transporte-t-on ? Du vrac sec (charbon, minerais, céréales, bois…), du vrac liquide (notamment le pétrole et ses dérivés) et des conteneurs de biens manufacturés (environ 27 % du total).

En 2021, quelque 11 milliards de tonnes de chargements se sont échangés par les mers. En croissance constante depuis les années 50 – entre 3 et 4 % par an en moyenne –, la tendance devrait persister à l'avenir. Le volume de marchandises pourrait croître de 35 % à 40 % d'ici 2050. "Par effet mécanique, il est difficile d'imaginer qu'il en sera autrement. La population mondiale va continuer à grandir et influer sur les échanges maritimes", explique Hervé Baudu, ancien officier de Marine, membre de l’Académie de marine et professeur à l'Ecole Nationale Supérieure Maritime.

Les "choke points" relativement préservés

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Canal de Panama
Crédit : Rikin Katyal / Unsplash

Le canal de Panama et le canal de Suez sont les deux principaux goulets d'étranglement (ou "choke point") du transport maritime mondial. Le premier, qui relie l'Atlantique au Pacifique en Amérique centrale, voit passer plus de 12 000 navires par an. Le second, trait d'union entre l'Europe et l'Asie au niveau de l'Égypte, capte près de 10 % du commerce maritime mondial (plus de 18 000 bateaux par an).

"Le canal de Suez ne devrait pas être touché outre mesure par le réchauffement climatique et la montée des eaux car il communique entre deux mers, Méditerranée et Mer rouge. En revanche, Panama est beaucoup plus sensible à la sécheresse en raison de ses écluses et de son lac d'eau douce au centre dont le tirant d'eau ne cesse de diminuer. Il faudra peut-être limiter la taille des navires à un certain point", note Hervé Baudu.

De nouvelles routes maritimes près des pôles ?

Agrandir l'image : Un brise-glace au nord de la Russie
Un brise-glace au nord de la Russie
Crédit : Stanislav Kondratiev sur Pexel

Avec la fonte des glaces se pose la question de l'ouverture de nouvelles routes maritimes près des pôles. Le réchauffement climatique y est en effet 3 à 4 fois plus important que sur le reste de la planète. "Néanmoins, les prévisions du GIEC tablent sur un passage en Arctique entièrement libre de glace une fois tous les 10 ans à partir de 2050, tempère Hervé Baudu. Avec la nuit polaire, il y aura toujours des zones glacées, donc du danger et des aléas sur une route possible entre les ports chinois du nord et l'Europe du Nord."

En outre, la Russie peut exercer un contrôle sur les navires jusqu'à 200 milles de ses côtes, en avançant l'argument des risques de pollution. Avec la situation géopolitique actuelle, cette incertitude ne plaît guère aux compagnies maritimes qui y voient une entrave à la liberté de navigation. Même chose au nord du Canada, qui ne voit pas forcément d'un bon œil l'ouverture d'une voie maritime entre ses îles arctiques. Une zone qu'elle considère comme une mer intérieure, ce qui est contesté par plusieurs pays, dont les États-Unis.

"Reste qu'on ne va pas désorganiser tout pour passer quelques mois par an par l'Arctique, il y a trop d'inconnues", souligne Hervé Baudu. Qui plus est, les navires s'arrêtent fréquemment sur leur chemin pour desservir des ports intermédiaires, ce qui ne serait plus possible par ces nouvelles routes. Deux des principaux armateurs mondiaux, le danois Maersk et le français CMA CGM, ont d'ores et déjà fait savoir que ces options ne les intéressaient pas à l'heure actuelle.

Un des principaux émetteurs de CO2 dans le monde

Pesant pour 3 % des émissions de CO2 chaque année, "si le transport maritime était un pays, il se classerait parmi les dix plus grands émetteurs mondiaux", avaient souligné les gouvernements américain et norvégien lors de la COP27 à Charm El-Cheikh en novembre 2022. Et alors même que l'objectif fixé est une diminution de moitié des émissions d’ici à 2050, il est très probable que ces émissions soient multipliées par deux, en raison de l’augmentation constante des volumes de fret. "C'est le moyen de transport le moins polluant si on le rapporte à la tonne transportée, mais cela n'en demeure pas moins un secteur qui génère énormément de gaz à effet de serre. Le premier levier pour limiter l'impact passera forcément par le choix d'un nouveau carburant vert. Hydrogène, méthanol, bioéthanol… reste encore à définir lequel", conclut Hervé Baudu.

 

La rédaction de WE DEMAIN

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Le commerce maritime façonne les territoires. Vecteur crucial des échanges mondiaux, le développement des échanges maritimes mondiaux a nécessité l’aménagement de routes maritimes et d'infrastructures terrestres.